vendredi 3 janvier 2014

Châteaux en Espagne.

 

Les Echos faisaient part récemment de la fierté de l'Espagne dont les éoliennes battaient des records malgré la crise économique. Les dessous du problème méritaient d'être étudiés et commentés, voilà qui est fait.


L‘Espagne, grâce aux éoliennes, n’aurait elle donc bientôt plus besoin d’importer d’hydrocarbures ni d’uranium?
L’avis défavorable de la CRE (du 30 octobre 2008)(1) sur les tarifs d’achat obligatoire éoliens nous apporte pourtant plusieurs enseignements sur les conséquences du développement éolien.
-En premier lieu, que l’énergie produite contribuera pour un tiers à l’augmentation des exportations et ne bénéficiera donc pas à la population qui l’aura subventionnée.
-En second lieu, en ce qui concerne l’espoir de substitution aux dépendances aux importations d’uranium, que « plus la pénétration de l'éolien s'accroît, plus la production éolienne se substitue à du nucléaire et plus il devient nécessaire, en contrepartie, de développer le parc de centrales thermiques à flamme, mieux adapté aux variations de charge. »
Et en troisième lieu, que ce développement thermique contribuera à une dégradation du bilan environnemental.
En serait il donc autrement pour l’Espagne?
L’analyse de Michel Deshaies, (2)directeur du CERPA de Nancy confirme malheureusement ce constat et accable en ces termes, (p.17.18) le bilan de l’évolution énergétique espagnole, malgré le spectaculaire essor de l’énergie éolienne passé de 427MW en 1997 à 15145MW en 2007:
« Parmi les conséquences de cette évolution du bilan énergétique, il faut souligner d’une part l’accroissement de la dépendance vis-à-vis des importations qui représentaient en 2006 86 % de la consommation (contre 62 % en 1990) ; ce qui fait de l’Espagne l’un des pays européens ayant le taux de dépendance le plus important. L’autre conséquence est l’accroissement considérable des émissions de dioxyde de carbone provenant du système énergétique en raison principalement de l’augmentation de la consommation d’hydrocarbures et secondairement de celle de charbon.
Entre 1990 et 2005 les émissions de dioxyde de carbone de l’Espagne se sont ainsi accrues de 52 % ; ce qui, après Chypre, représente la plus grande augmentation au sein de l’Union européenne (figure 14). Du point de vue de la lutte contre le changement climatique et des objectifs du Protocole de Kyoto ratifié par l’Union européenne, l’Espagne apparaît même comme le plus mauvais élève puisqu’elle est l’État le plus éloigné de son objectif pourtant peu ambitieux qui consistait à contenir l’augmentation de ses émissions à 15 % du total de 1990 (figure 15). »

Malgré les milliards engloutis depuis cette analyse de M.Deshaies, qui ont porté la puissance installée à 23000MW, la production éolienne reste capable de chuter à 0% de la puissance de la totalité du parc (comme le 08 décembre dernier, avec 160MW à 14h).(3)
Selon  « La Tribune» (4), les producteurs de renouvelables auraient reçu, en 2011, 6.4 milliards d’euros de subvention. En février 2012, le gouvernement a décidé, mais un peu tard, de supprimer les subventions à tout nouveau projet. Dans une période si critique pour son économie, il est affligeant de prendre la mesure d’un tel gâchis. 


1 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019918450
2 http://fr.slideshare.net/CERPA_Nancy/confrence-michel-deshaies
3 https://demanda.ree.es/eolica.html
4 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnem...

Quelques éléments récents ont suivi dans ce 2° commentaire.


Et quitte à insister un peu lourdement il serait dommage de ne pas signaler le «Real Decreto 134/2010 »   qui a pour titre : "Procedimiento de resolución de restricciones por garantia de suministro". Surnommé " Décret Charbon " par diverses associations écologistes. Ce texte incite via des aides économiques à la consommation de charbon autochtone pour garantir la sécurité de la production d'électricité. Voilà comment l’Espagne compte limiter les importations d’hydrocarbure: en brûlant son propre charbon d‘Aragon.
C’est le document très officiel du ministère des affaires étrangères (1) qui nous l’apprend pour expliquer l’augmentation continue du CO2, lié à un recours croissant au charbon du parc électrique espagnol (+82% de 2010 à 2011) malgré une baisse de la demande de 2.1%.
Red Eléctrica de España, sur son propre site indique, pour 2012, une nouvelle augmentation des émissions de CO2 du parc électrique espagnol qui passe de 68.3 millions de tonnes en 2011 à 77.3millions en 2012, soit une accélération de l’effondrement du bilan environnemental par rapport à 2010/2011. (2)
Avec une production électrique deux fois moindre que la production française, l'Espagne parvient ainsi à émettre trois fois plus de CO2, malgré ses éoliennes.

Faut il applaudir ces prouesses éoliennes espagnoles malgré la crise financière que traverse le pays, ou s’interroger sur la responsabilité, dans cette crise, des milliards d’euros d’argent public sacrifiés?
1 http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69136.htm
2 http://www.ree.es/en/our-management/key-indicators/environmental/direct-...

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