jeudi 15 mars 2018

Eoliennes au Danemark



Intermittence et hydraulique
Zoom sur le cas Danois
 
Jean Pierre Riou

Pourquoi le développement de l’intermittence en France imposera un suivi de charge supplémentaire à ses réacteurs nucléaires, qui altère leur rentabilité et en compromet la sûreté, sans participer à la suppression du moindre d’entre eux.

Le Costa Rica, l’Uruguay, le Canada ou la Norvège produisent plus de la moitié de leur électricité grâce à l’énergie hydraulique. Une bonne part de cette énergie, stockée dans des barrages, leur permet toutes les fantaisies de production avec des moyens intermittents tels que le solaire ou l’éolien.
Mais les problèmes soulevés par le projet de barrage de Sivens rappellent douloureusement que ce modèle n’est pas universellement transposable.
Or l’impossibilité de stocker de l’électricité en masse, par tout autre moyen que les retenues hydrauliques, pour un coût acceptable par la collectivité est la raison qui a interdit à tout pays ne disposant pas d’un tel atout, de réduire la puissance installée de ses centrales  pilotables d’un seul MW en contre partie d’un développement de moyens intermittents, quelle qu’en soit la puissance.
Celle-ci étant susceptible de tomber à moins de 1% de sa puissance installée quand le vent tombe, comme ce 12 mars 2018 sur le Danemark.


Cliquer sur l'image pour mieux la visionner 
 
Des «patates anticycloniques » peuvent pourtant s’abattre une semaine entière sur l’Europe, tandis que la régularité de l’alimentation du réseau est indispensable.
Ce qui explique que l’Allemagne n’a toujours pas réduit son parc pilotable d’1 seul MW en contre partie de 100 000 MW intermittents, qu’il en est de même en Espagne, et que la France se leurre si elle attribue la fermeture de 3 GW de charbon à toute autre cause qu’à l’économie permise par la mise en service de l’usine Georges Besse 2.

Le cas danois
Le cas du Danemark demande une attention particulière puisqu’il a réussi, en 25 ans, à réduire son parc thermique de 2 GW et le ramenant de 10 214 MW en 1995 à 8 141 MW en 2015, parallèlement au développement d’une puissance intermittente solaire/éolien supplémentaire de 5 GW.
Et cela, sans disposer de réserves hydrauliques permettant d’amortir les aléas de la production éolienne.
Le tableau ci-dessous détaille cette évolution


Décryptage
Cette évolution du parc électrique danois ne peut s’appréhender qu’au sein du réseau nordique avec lequel il est étroitement connecté, principalement avec la Suède et la Norvège qui lui fournissent la quasi-totalité de ses importations, et avec l’Allemagne vers qui il exporte ses excédents, ainsi que l’indique le graphique ci-dessous qui illustre l’évolution de ses échanges transfrontaliers depuis 1990.

La ligne rouge tracée sur ce graphique montre l’évolution de la tendance de ces échanges. D’exportateur net en 1995, leur solde diminue progressivement, jusqu’à devenir importateur à partir de 2011, et représente jusqu’à 17% de la consommation danoise en 2015.

L'hydraulique nordique et balte
Le réseau électrique nordique, qui relie Suède, Danemark Norvège, et plus loin, Finlande, Estonie, Lettonie et Lituanie se caractérise par une hydro électricité considérable, à l’exception du Danemark et de l’Estonie.
L’énergie hydraulique a fourni, en effet,  96,3% de la consommation d’électricité norvégienne en 2016 et la moitié de celle de la Suède, Finlande, Lettonie et Lituanie utilisant largement cette facilité d’en ouvrir ou refermer leurs vannes pour réguler le réseau, comme le montrent les brusques variations de production hydraulique lituanienne, ci dessous.

Tous les œufs dans le panier hydraulique/nucléaire de ses voisins
 L’énergie nucléaire caractérise également le mix électrique de la Suède et de la Finlande, où nucléaire/hydraulique assurent 83,4% de la production d'électricité en 2016 (hors cogénération), et 80,3% de la production en Suède (87% de la consommation).

Et ce sont donc les réserves hydrauliques suédoises et norvégiennes qui permettent au Danemark d’avoir du courant quand le vent tombe. Et lui assurent un éventuel débouché pour sa production éolienne, car ces voisins n’ont pas plus de difficultés à ouvrir des vannes pour exporter qu’à les fermer pour absorber des excédents.
Car les importations du Danemark sont d’autant plus importantes que ses éoliennes produisent moins, et le solde devient exportateur lorsque la puissance de son parc éolien dépasse, grosso modo, 2800 MW, comme le montre le graphique ci-dessous, qui illustre la stricte corrélation entre la quantité d’électricité éolienne produite par le Danemark et la quantité d’électricité qu’il exporte, ou qu’il est contraint d’importer.



Un tel comportement avec des voisins si conciliants compensant largement sa carence en capacités de stockage et évite de devoir subventionner des centrales thermiques de secours comme doit le faire l’Allemagne.

La charnière 2005 2015
Entre 1995 et 2005, 2,5 GW éoliens ont été ajoutés au parc électrique danois quasiment sans réduire le parc thermique (moins 0,3 GW). Cette augmentation de la capacité installée a cependant  été accompagnée d’une baisse des exportations, en raison d’une augmentation de la consommation sur la même période, ainsi que nous le voyons sur le graphique ci dessous.

La ligne rouge horizontale permet de mettre en évidence la similitude de consommation entre celle de 1995 et celle de 2015, qui encadrent cette étude, et sans laquelle toute comparaison serait biaisée.
C’est la période 2005 2015 qui est significative, puisqu’elle c’est alors que le Danemark a opéré l’essentiel de la réduction de son parc thermique. Mais que, d’exportateur net, il est devenu importateur de 17% de ses besoins, alors que sa consommation baissait pourtant régulièrement, de 34,2 TWh en 2005, à 31,7 TWh en 2015.

Epilogue

Son système électrique confère au Danemark l’électricité la plus chère d’Europe pour les ménages, avec 0,3088€/kWh en 2016, tandis que ses voisins nordiques et baltiques bénéficient d’un kWh 2 fois moins cher : 0,12€ en Estonie, 0,16€ en Lettonie, 0,12€ en Lituanie, 0,15€ en Finlande, 0,18€ en Suède et 0,15€ en Norvège.
Mais du moins, l’industrie éolienne, avec 25 000 emplois au Danemark représentait 8,5% de la totalité des exportations, car le marché intérieur de l’éolien ne représente que moins de 1% de l'activité.de ce petit pays en 2011, avant que la Chine ne s’empare du marché. 

La contre partie
Ces chiffres sont indiqués dans le courrier adressé au Ministre de l’Environnement de l’époque par la filière industrielle, afin de lui rappeler que sa place de leader européen de cette industrie attirait les yeux de tout le continent sur la réglementation acoustique éolienne du Danemark et que les projets de prise en compte des nuisances de leurs bruits de basse fréquence risquaient ainsi d’être copiés par d’autres pays.
Et que cela entrainerait un préjudice considérable à l’économie danoise si la réglementation concernant la protection des riverains venait à se durcir.
C’est du moins le contenu de la lettre édifiante dont une traduction assermentée a été publiée dans un rapport finlandais (p 73/74).

Cette lettre est datée de l’époque où le Professeur H.Møller, spécialiste de l’acoustique incontesté au Danemark, se battait pour que les très basses fréquences et infrasons éoliens soient mesurés dans les habitations et non simplement calculés. C’est l’époque à laquelle il a été limogé de l’Université d’Aalborg où il professait, époque à laquelle cette Université a évoqué, sur son propre site, les pratiques mafieuses de ce licenciement à prétexte économique, et à laquelle la presse a dénoncé ces pratiques et lui a rendu un vibrant hommage.

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